Peinture au lait/fromage/caséine

La caséine et la chaux.

Sans conteste le plus cité des adjuvants pour les peintures. Il n’est pas exclu de l’utiliser dans une finition d’enduit mais étant à dissoudre dans l’eau il parait difficile de l’ajouter à une chaux en pâte – qui est presque la seule que j’utilise, on l’aura compris ?
Isolables du lait les caséines étaient utilisées non purifiées, soit avec du fromage blanc maigre, appelé « fromage à la pie », soit avec du lait écremé. Le premier contient 45-60 gr/kg. (au très grand maximum) de caséines, les seconds 30 gr/litre et les deux du sucre (lactose) et souvent un reste de matière grasse (5 gr/kg).
A l’heure actuelle on peut les utiliser sous forme de poudres.
– Les caséines acides en poudre du commerce.
– La poudre de lait écrémé – cette dernière contient moins de lipides que les fromages maigres ou laits écrémés et vous pouvez fixer une concentration supérieure.
Les options sont, le lait en poudre, le lait, le fromage 0%, les caséines en poudre achetées ou fabriquées soi-même. La seule option un peu écartée pour mes essais/travaux est le lait, les solutions sont trop diluées.
Les caséines au séchage sont censées servir de liant, trop diluées elles ne formeront pas de réseau. Après avoir farfouillé dans les recettes un peu anciennes il m’apparaît que 10 à 15 gr. de caséine par litre de peinture/badigeon est un grand minimum. 20 à 30 gr/l une option plus raisonnable. Les caséines durcissent lentement mais surement et il est conseillé d’y ajouter un assouplissant (glycérine), si vous suivez mes méthodes d’extinction de la chaux avec l’huile de lin cette glycérine est déjà présente. Sinon il faudra en ajouter, ou ajouter de l’huile de lin ou du savon noir à l’huile de lin. (la glycérine ou glycérol est devenue rare dans le commerce de détail)

Au cas où cela vous serait nécessaire voici une « recette » pour fabriquer sa caséine (et les raisons de ne pas le faire souvent).

Comment fabriquer, isoler, préparer sa caséine

tout seul comme un grand ? Et ce pour réaliser une peinture ou colature à la chaux. D’abords car c’est aussi facile que de la préparer à partir de caséine sèche, qu’il faut commander, faire gonfler, diluer, solubiliser,filtrer etc.
C’est moins cher dans la mesure où vous trouverez de la poudre de lait écrémé à 5 €/Kg. On peut isoler 290 gr/kilo de poudre et alors tabler sur un prix au kg des caséines de 17€ à 20€. Supposant que la manipulation entraîne quelques pertes (et un peu de vinaigre), en réalité plutôt de 20€ à 23€. Ca se tient avec les valeurs calculée pour un lait à 0,7€/l ou un fromage blanc à 1,25€/kg.
Si vous trouvez dans le commerce commercial des magasins de la caséine à 25€/kg vous n’êtes pas gagnant. Sauf qu’elle est souvent à 35-40 €/kg et, c’est à noter, à plus de 90 €/kg dans la prédose ST (qui n’en contient que 5%!!)

Le principe est d’isoler par acidification progressive ses caséines sur de la poudre de lait (ou du lait écrémé mais celui-ci est moins disponible et souvent plus cher que le demi-écrémé…)
Comment pratiquer la manipulation :
D’abords fixer la solubilité des caséines en milieu basique. Je n’ai pas trouvé de chiffres nets (ni abaque, ni tableaux, ni courbes) juste « une » valeur de 180 gr/l. Avec une valeur utile de 120-150 gr/l on est dans le juste. On se calera sur cette valeur pour évaluer les quantités à mettre en jeu.
Ensuite fixer la quantité d’acide pour précipiter (coaguler) les caséines.
Le point isoélectrique est obtenu à PH 4,6 mais sur une plage 2,5 à 5 les caséines précipitent.
On ne peut pas faire un simple calcul du ph de la solution car le lait est fortement tamponné. Il contient aussi des acides/bases faibles.
Donc c’est à partir d’une valeur empirique qu’est fixée cette valeur. Essayée à 0,26 gr. d’acide acétique ou éthanoïque (vinaigre blanc… dit d’alcool) par gramme de caséines à précipiter on obtient un bon résultat.
Comment faire le calcul de la quantité de vinaigre si vous ne savez pas.
Les solutions courantes du vinaigre blanc sont à 7° (alimentaire), 8° et 14° (ménager, ne vous laissez pas impressionner par la mention « surpuissant » c’est juste 14° vendu beaucoup plus cher).
Soit respectivement 70, 80 et 140 gr/litre. Divisez la quantité en gr. d’ac. acétique par dix fois le titre, les degrés, de votre vinaigre.
Les boites de poudre de lait écrémé font 300 ou 750 gr. Tablons sur une de 300 gr. Son contenu en protéines est de 36% mais 30% de caséines. Soit 90 gr pour 300 gr de poudre.
90 gr supposent d’utiliser avec du vinaigre disons à 14° soit 90 gr x (0,26 gr / 140 gr/l )= 0, 170 l.

Deux méthodes et l’intermédiaire.

  • Une rapide :

    Faites chauffer 1 litre d’eau à +/- 50° et dissolvez-y 300 gr de poudre de lait. On peut réduire un peu le volume d’eau mais ne l’augmentez pas de beaucoup.
    Attendre que la température soit redescendue sous 45° (la T° idéale est de 40°, je prends en compte l’ajout du vinaigre).

    coagulation
    Coagulation de la caséine

    Ensuite on ajoute goutte à goutte (chacun trouvera sa méthode!) le vinaigre à la solution sans cesser de l’agiter. L’ajout doit être lent. Si c’est brutal, localement les caséines vont coaguler fortement et ce serait irréversible (ce n’est pas tout à fait exact).
    Commencez sur de plus petites quantités (ou du lait) pour vous faire la main. Dès qu’apparaissent les signes évidents d’un épaississement de la solution ralentissez encore l’ajout de vinaigre.
    Le mieux est l’ennemi du bien. L’agitation au fouet électrique à tendance à fabriquer une émulsion de gel qui est rigoureusement infiltrable.
    L’ajout dure 2 à 5 minutes, la solution a coagulé. On la garde tiède (40°) pendant la manipulation.

    filtration
    Filtration et couleur du filtrat

    On la verse sur un tamis très fin, je n’ai pas trouvé mieux qu’un voile de filtration de miel d’apiculteur.
    Un bas ou plutôt un voilage fin de rideau et une étamine pas trop fine peuvent servir. Les filtres à papier se colmatent. Les tamis rigides 100 ou 120 (Mesh) seraient idéaux mais…pas facile à trouver et chers.
    Le coagulum reste dans le tamis, s’égoutte une solution plus ou moins claire. On rince le coagulum à l’eau acidulée, puis à l’eau.
    On peut presser un peu son filtre pour égoutter la solution. Il faut récupérer plutôt une crème épaisse qu’une pâte.
    Racler cette crème dans un bol et délayer là très progressivement avec 500 ml d’une solution basique (lait de chaux). Il va rester des grumeaux souvent avec cette méthode. Repassez la solution dans le filtre (en général c’est là qu’on oublie de mettre un récipient dessous…). Écrasez les grumeaux sur le filtre et nettoyez avec 100 ml de la solution déjà filtrée.
    Vous devriez être entre 650 et 750 ml environ. Soit 120 gr/l à 140 gr/l théorique de caséines.

  • Une lente (meilleure):

    Préparez votre lait (reconstitué) à température ambiante, ajoutez votre vinaigre à cette même température et laissez reposer 24/48 h. dans un endroit au chaud (>25°C). Le lait va aussi cailler, mais la re-solubilisation des caséines semble/est meilleure. Souci, la conservation sera plus courte, d’où ma préférence pour la suivante (quand j’ai le temps) ou la première (quand je ne l’ai pas, le temps).

  • L’intermédiaire (très bonne aussi) :

    Faites votre mélange à température ambiante et amenez le tout doucement à 40°C sans l’agiter.
    Avec un four moderne à température contrôlée c’est possible. La précipitation est alors plus rapide.

Vous êtes pressé ? C’est une mauvaise idée, cette réaction est plus efficace lente. Pas d’ajout brutal de vinaigre chaud ou trop de vinaigre. Ça marche aussi, mais en apparence.

caseinecoagulee
Caséine en cours de séchage

Peut-on sécher sa pâte ? En théorie oui, à 40°/50°c four ventilé, en pratique c’est compliqué. Et la caséine séchée est difficile à solubiliser correctement (celles du commerce vous demandent quelques heures de repos). Est illustrée un coagulum de caséines en cours de séchage, à ce point il devient déjà compliqué de la remettre en solution. Il faut fabriquer une pâte avec de la chaux puis la diluer lentement et ensuite la filtrer, le rendement est médiocre.

Il faudrait aux alentours de 2% de caséines par kg de matières sèches (chaux + charges) et certains précisent seulement par rapport à la chaux. Alors quid des peintures à la caséine sans chaux ? (sauf celle pour solubiliser les caséines). Le fait est que les caséines doivent polymériser/réticuler et qu’une concentration minimale est nécessaire.
La bonne idée serait de croiser plusieurs paramètres. La concentration minimale de caséine/litre de peinture, le rapport charges/caséine, le rapport chaux/caséine et de trouver une fourchette idéale. Elle reste à fixer.
Un tableau de compositions globales indique en moyenne 2% de caséine (quand il y en a) et une fourchette de 250 gr. à 1500 gr. de matières sèches par litre. Plus souvent autour de 1000 gr. qu’aux valeurs extrêmes.

badigeons
Recettes de badigeons et colatures

A gauche de la ligne orange ce sont des recettes citées ou détaillées parfois avec leur mise en oeuvre au XIX, à droite des recettes actuelles et celles mises en valeur détaillent composition/fabrication/mise en oeuvre. Certaines sont difficiles à vérifier. Le « badigeon Parisien » (b-Par) cité par l’Ecole d’Avignon suppose 300 gr. de blanc de Meudon pour 10 Kg. de chaux, c’est en général l’inverse.
L. Neples et M. Cerro sont cités ailleurs dans ces pages, ‘Berlo’ est un contributeur du forum Tiez-Breiz.org  et ‘Apache’ un contributeur du site apache-asso.fr ; Gregory Rubio , Bad1 et Bad2 sont des « recettes » (peut-être pas essayées, glanées ailleurs).

[On notera des erreurs, à corriger, dans la présentation des résultats, le liant du Badigeon Parisien est de la colle de peau, l’alun ou l’argile ne sont pas vraiment des liants et le sel à la même fonction que l’alun].

Il n’est pas si facile de trouver de « vraies » recettes accompagnées de leur fabrication/mode d’emploi, le web étant recouvert d’une épaisse couche de formulations commerciales ou de « fantaisies » manifestement jamais mises en oeuvre ou juste comme produit d’appel pour un « livre » magique, voire un « achat sponsorisé ».
Des sources plus détaillées peuvent se trouver outre-Atlantique ou les recettes de « milk paint » ou « chalk (craie) paint » semblent avoir perdurées plus qu’ici.

CaseineCennini
L’historicité de l’usage de la caséine n’est pas discutable mais on peut tout de même l’écarter des pratiques multi-millénaires. Cennino Cennini (XVe siècle) ne la cite qu’une fois dans un très bref passage de son « Livre de L’art » dont une version traduite en français (V. Mottez) d’une version publiée en italien (G. Tambroni) au XIXe est disponible en ligne. Et comme colle de charpentier.

Un intérêt pour ce liant se manifeste au tournant de la révolution Française, autant par la recherche d’une recette restée localement célèbre, celle de Bachelier que par la mise en oeuvre d’autres formulations très approchantes. Il est à noter qu’il n’est jamais question de peintures mais de badigeons ou de colatures (vient de filtrer). Le mot badigeon lui-même est en français (celui de France) négativement connoté. Il l’était déjà au XIXe.
Suivent deux références téléchargeables d’une discussion autour de la « peinture au fromage » tenue en 1801 par les citoyens Cadet-De-Vaux (dont les recettes figurent sur le tableau) et d’Arcet.

Mémoire sur la peinture au lait du citoyen Antoine-Alexis Cadet-De-Vaux : Deux recettes de peintures au lait en temps de crise pour l’intérieur et l’extérieur.
Observations sur la peinture au lait ci-dessus par le citoyen d’Arcet : Quelques remarques et améliorations sur les recettes de C-de-Vaux et réponse de ce dernier.