Les adjuvants de la chaux aérienne

Cet aspect du travail avec la chaux aérienne a relativement obscurci pendant longtemps ma (relative) compréhension du sujet.
Les adjuvants sont toujours cités, toujours listés, rarement détaillés. Les listes sont parfois classées (protéines, polysaccharides, huiles, cires etc.) souvent pas du tout. On y échappera pas je le ferai aussi mais une autre fois…
Il faut comprendre (j’ai cru comprendre) que les adjuvants sont utilisés pour améliorer un point précis du travail. Si ils sont utilisés.

Dans quels cas sont utilisés les adjuvants :

  • Dans les bétons et les mortiers de hourdages pour ainsi dire jamais. L’essentiel du travail porte sur les façons de faire et la qualité ou la nature des granulats et de la chaux. On ne peut pas dire que l’extinction de la chaux vive mêlée à des pouzzolanes  ou des sables à caractère pouzzolanique (directement dans un coffrage en mer ou pas) soit une adjuvantation de la chaux.
  • Dans le cas des enduits c’est à peine plus fréquent. Aux  finitions fines on ajoute souvent de l’huile de lin, à-peu-près jamais aux enduits d’extérieurs. Aux enduits étanches (rares) on ajouterait du suif ou des goudrons. Les finitions au savon noir (Tadelakt) ou aux cires n’entrent pas dans cette catégorie.
  • Dans les cas des « peintures » c’est plus fréquent en théorie. Et surtout pour une catégorie d’entre elles ; les badigeons. Le chaulage – de la chaux à peine diluée – s’en passe et même s’applique au mieux en frais sur frais (le graissage), les patines ou les eaux fortes (beaucoup plus diluées, jusqu’à 20 x, c’est une division totalement arbitraire) s’appliquent idéalement aussi sur le frais (affresco, à fresco ou à fresque). Les mélanges destinés à broyer les pigments, pratiques pour ainsi dire disparues, pour la réalisation d’une fresque n’entrent pas non plus dans cette catégorie.
    Restent les peintures appliquées à sec (à secco – rien à voir avec la seccotine) qui elles requièrent  toujours l’ajout d’adjuvants. Et la liste est longue, en apparence. En apparence, car si maintenant à tout moment on dispose de toute la liste c’était loin d’être le cas avant. Il faut d’ailleurs « suggérer » que les peintures à la chaux ne sont pas  réellement des peintures et que les formulations commerciales à la chaux, effet stuc, tadelakt, antique etc. sont des émulsions compliquées dans lesquelles la chaux n’est qu’une charge.

Alors un cas nous intéresse ici, les adjuvants à ajouter lors de l’extinction. Et pour être précis à l’extinction ; car c’est plus facile et moins cher, après ça reste possible mais c’est moins facile et complétez la phrase.

Huile de lin, Alun et Colophane :

  • Le plus fréquent est l’huile de lin. Dont on attend dans cet état là et avec la chaux une meilleure maniabilité, un effet limité sur la rétention d’eau, l’entrainement d’air et peut-être un très léger effet déperlant. Introduite à chaud ou à froid (là ce n’est pas facile) l’huile de lin va saponifier. Vous obtenez en solution un mélange de glycérine (glycérol) et de sels d’acides gras. huilesdelin C’est intéressant pour les enduits très fins ou les peintures, surtout celles à la caséine, inutile pour le reste. Ce qui signifie au moins que vous pouvez aussi ajouter du savon noir d’huile de lin en lieu et place, à froid. A ceci près que les savons noirs (liquides donc) à l’huile de lin ne contiennent pas que cela. Et l’option savon de Marseille en copeaux non transformé (enfin qu’ils disent) est à l’huile de quelque chose et plus difficile à solubiliser.
    L’huile de lin (comme l’huile d’œillette et de noix toujours citées, mais qui en a déjà vu ?) a un usage différent pour les peintures (voir plus tard) .
  • L’Alun moins cité et plus obscur. Les sels d’alun ont au moins une caractéristique certaine, la dispersion des pigments. En cas d’ajout de pigments à un mélange à la chaux, 1 % d’alun suffit à obtenir une bien meilleure homogénéisation et éviter souvent les fusées d’oxydes. Donc, sauf les gens pressés, on peut s’en passer. Par contre l’alun entre en grande quantité dans certaines recettes de badigeons et une méthode alternative a été suggérée pour remplacer l’alun (chère déjà au XIX). A savoir 5% d’argiles ajoutées lors de l’extinction. Manque de chance je n’ai pas d’informations précises sur le type d’argile à utiliser ; une argile dite de Montereau (de fait l’histoire de cette commune comporte des références à une faïencerie célèbre – à l’époque). Donc nous resterons sur notre faim. J’ai bien réalisé quelques échantillons de chaux éteintes avec de l’argile mais rien ne semble la distinguer d’une sans. L’alun a un autre effet (voir plus tard) il est capable de (re-)fixer une peinture « farineuse ».
  • La Colophane, issue de la térébenthine* est la partie solide (à température ambiante) extraite des résines, la résine filtrée était appelée térébenthine. colophanesLes noms de ses produits de distillation, colophane et essence de térébenthine, prêtent maintenant à confusion. L’essence de térébenthine est très souvent appelée et vendue sous le nom de térébenthine et il existe un produit pour plumer la volaille dénommé Colophane mais qui est une colophane transformée qui durcit à la chaleur.
    L’adjonction de colophane (10-20 €/kilo vendue, en paillettes, pour les apiculteurs) peut se faire à chaud (ou à froid solubilisée à l’essence de térébenthine – mais ceci devient de la tambouille). Sans doute pas au delà de 3-5% et pour la couche de finition d’un enduit fin. Il est bien probable (une intuition, un test est en cours) qu’elle réduise l’accroche des couches suivantes. Pareillement à l’huile de lin cette résine va subir une réaction de (pseudo-)saponification. Son effet sur l’imperméabilisation est plus marqué. Elle fut utilisée pour les badigeons. Un cas de badigeon à la caséine, documenté, détaille  l’adjonction de 6 % (60 gr.) de colophane au total chaux + blanc de Meudon (250 gr Ca(OH)2 + 2500 gr de CaCo3) du badigeon, mais à froid… En mélange avec de l’huile de lin qui la solubilise (ou solubiliserait). D’autres cas historiques issus de la recherche archéologique, plus flous, sont recensés et font état par analyse de « résines » ajoutées aux mortiers de finition, sols et murs (je ne détaille pas c’est anecdotique).
    Cette colophane est aussi citée au XIXe et donnerait de l’éclat et de la blancheur (elle blanchit avec le temps) aux peintures.
    * nom tiré de l’arbuste Pistacia terenbenthus L.

En résumé :

Très occasionnellement et lors de l’extinction d’une chaux-vive destinée à faire des enduits fins, façon « stuc », j’ajoute 200 à 250 ml. d’huile de lin aux 5 kg (soit 3 à 4% du poids final = (5  x 0.9) x 1.32 = 6 kg) de chaux vive que j’éteins (mon format c’est par 5 kg ou ses multiples). Comme la chaux voulue doit être filtrée c’est lors de cette version là de l’extinction. Un peu d’alun (1-2%) souvent pour aider la dispersion des pigments  mais pas de colophane à ce stade.

(page en cours de réalisation)

« Références » bibliographiques sur la peinture à la caséine en attendant Godot – non pardon une page dédiée :


Mémoire sur la peinture au lait du citoyen Antoine-Alexis Cadet-De-Vaux : Deux recettes de peintures au lait en temps de crise pour l’intérieur et l’extérieur.
Observations sur la peinture au lait ci-dessus par le citoyen d’Arcet : Quelques remarques et améliorations sur les recettes de C-de-Vaux et réponse de ce dernier.
Notez que celles ci sont publiées dans les comptes rendus de la « Décade philosophique » (1801)